Hedwige Nuyens – Présidente de
European Women on Boards (EWOB):
Briser les Plafonds de Verre pour un Leadership Féminin Plus Fort
Dans un monde où la parité reste un défi majeur, Hedwige Nuyens, Présidente de European Women on Boards (EWOB), incarne une force motrice pour l’égalité des sexes dans la gouvernance des entreprises. Lauréate du titre de Femme d’Affaires de l’Année en 1999, mentor dévouée et fervente défenseuse du leadership féminin, elle œuvre sans relâche pour faire évoluer les mentalités et les pratiques en faveur d’une représentation équilibrée des femmes dans les postes décisionnels. À travers cette entrevue exclusive, elle partage avec Revue UBA sa vision, les avancées de son organisation, les défis persistants et les stratégies pour accélérer l’accès des femmes aux conseils d’administration et aux postes exécutifs en Europe et au-delà. Un dialogue inspirant qui résonne particulièrement dans le contexte de la transformation du secteur bancaire et entrepreneurial arabe.
Vous êtes une fervente défenseuse de la diversité de genre, depuis votre élection comme Femme d’Affaires de l’Année en 1999 jusqu’à votre rôle de mentor pour des centaines de femmes et votre leadership chez European Women on Boards. Quelles expériences personnelles ont le plus marqué votre engagement pour la promotion des femmes dans les postes de direction?
En fait, mon engagement remonte à mon enfance. Mes parents voulaient à tout prix un garçon et étaient terriblement déçus de me voir arriver: une seconde fille. À tel point qu’ils n’avaient pas choisi de nom pour une fille. Cela a créé en moi un profond désir de bâtir un monde plus juste, où chacun puisse être reconnu pour sa propre valeur, sans distinction de genre. Je me suis promis, très tôt, de faire bouger les choses, et à chaque étape de ma carrière j’ai renforcé mon engagement pour une plus grande égalité entre les hommes et les femmes.
EWOB s’est fixé des objectifs ambitieux, notamment la constitution d’un vivier de 1 000 femmes prêtes à occuper des postes de direction, l’expansion de son influence à travers l’Europe et la promotion de politiques plus fortes en matière d’égalité des sexes. Quels progrès ont été réalisés jusqu’à présent et quels défis majeurs avez-vous rencontrés?
L’idée de constituer un vivier de talents de 1 000 femmes est une réponse aux préjugés que nous connaissons tous: On voudrait plus de femmes dans des postes de direction, mais: « on ne les trouve pas », « elles n’ont pas les diplômes nécessaires », « elles n’ont pas l’expérience professionnelle adéquate » ou « elles ne sont pas disponibles ». Foutaise, tout cela. Nous avons tenu notre promesse: plus de 1 000 femmes ont suivi nos formations, participé à nos événements et rejoint notre communauté de talents.
La directive européenne sur la parité dans les conseils d’administration impose que, d’ici 2026, les femmes occupent 40 % des postes d’administrateurs non exécutifs ou 33 % de l’ensemble des postes d’administrateurs dans les entreprises cotées. Comment voyez-vous cette législation transformer la gouvernance des entreprises en Europe et quel rôle joue EWOB dans sa mise en œuvre?
La directive européenne va créer un incitatif majeur pour les entreprises cotées afin de rechercher et de trouver des femmes hautement qualifiées pour rejoindre les conseils d’administration. Des travaux de recherche ont démontré que les femmes sont généralement plus jeunes, très bien préparées tout en apportant des compétences nouvelles. Nous observons également que les entreprises acceptent volontiers des femmes de nationalité étrangère, ce qui diversifie encore plus la composition du conseil d’administration. EWOB contribue à ce mouvement en travaillant de pair avec les entreprises, en préparant les femmes à des postes d’administratrices et en collaborant avec des chasseurs de têtes. Nous recevons régulièrement des demandes visant à recommander des femmes talentueuses pour des postes vacants.
Bien que des progrès aient été réalisés pour accroître le nombre de femmes dans les conseils d’administration, l’accès aux postes exécutifs de haut niveau (PDG, DAF, etc.) reste limité. Quelles sont, selon vous, les stratégies les plus efficaces pour combler cet écart et garantir une meilleure représentation des femmes aux postes de direction?
La directive européenne permet de choisir entre un objectif de 40% de femmes dans les rôles non exécutifs ou 33 % dans les rôles exécutifs et non exécutifs. Certains pays, comme la Pologne, choisissent le deuxième objectif, ce qui va évidemment augmenter la présence des femmes dans les comités exécutifs. La France est allée encore plus loin en prévoyant un objectif de 40 % pour les deux niveaux: conseil d’administration et comité exécutif. Cela a donné lieu à une recrudescence des nominations de femmes CEOs. C’est un autre exemple de l’effet positif des objectifs.
Étant donné l’importance mondiale de la diversité de genre dans la gouvernance des entreprises, European Women on Boards envisage-t-il des collaborations avec des institutions de la région arabe pour promouvoir le leadership féminin et la représentation des femmes dans les conseils d’administration? Quels enseignements de l’Europe pourraient être pertinents pour le secteur bancaire et entrepreneurial arabe?
Oui, absolument. En premier lieu, nous avons mis en place des collaborations à travers toute l’Europe. Nous couvrons à présent 33 pays. Nous sommes ouverts à un dialogue avec des organisations en dehors de l’Europe qui partagent notre volonté de promouvoir le rôle des femmes dans les instances de décision. Nous avons un partenariat avec la Turquie, par exemple, et des universités américaines. European Women on Boards a également contribué à des programmes de formation pour des femmes leaders au Moyen-Orient (Kuwait, Arabie Saoudite…) désireuses de poursuivre leur carrière dans des fonctions dirigeantes ou comme administratrices. Notre expérience des dix dernières années démontre que le changement est plus rapide quand on travaille sur plusieurs leviers: créer un vivier de talents féminins, prévoir des formations et des programmes de mentoring et de sponsoring, établir des objectifs au niveau des entreprises, bénéficier du soutien des autorités publiques et, enfin, collaborer au maximum avec les entreprises, leurs dirigeants, et trouver des hommes alliés.
À l’horizon des cinq prochaines années, quelle est votre vision pour EWOB? Comment envisagez-vous son rôle dans la poursuite de la promotion de l’égalité des sexes dans les conseils d’administration et les postes de direction, en Europe et au-delà?
En premier lieu, nous soutenons la mise en œuvre de la directive européenne dans les 27 États membres. Cela permettra une augmentation significative du nombre de femmes dans des milliers d’entreprises. Nous suivons l’avancement à travers nos reportings réguliers.
Deuxièmement, nous allons continuer à élargir notre vivier de talents. Nous souhaitons également développer une formation pour des femmes qui ont déjà un premier poste d’administratrice, mais qui souhaitent enrichir leur portefeuille ou assumer un rôle de présidente de comité technique ou de présidente du conseil d’administration.
Troisièmement, nous voulons multiplier nos actions auprès des entreprises et promouvoir une plus grande transparence dans la recherche de nouveaux administrateurs. Nous constatons de plus en plus de postes vacants sur des plateformes dédiées comme Nurole, LinkedIn ou Virtual NonExec. Nous travaillons avec ces organisations et publions des postes vacants sur la plateforme pour nos membres.
Notre but est d’arriver à une situation où l’équilibre des genres au sein des instances dirigeantes devient la norme, permettant d’utiliser tous les talents, d’augmenter la qualité des décisions, la capacité d’innovation et d’être mieux préparé aux nombreux défis auxquels les entreprises font face.