’Égypte, pont stratégique entre le monde Arabe et l’Afrique:
la vision de Son Excellence M. Hassan Abdullah,
Gouverneur de la Banque Centrale d’Égypte,
pour une intégration financière durable

Dans cet entretien exclusif, Son Excellence M. Hassan Abdullah, Gouverneur de la Banque Centrale d’Égypte, revient sur le rôle déterminant de l’Égypte dans le renforcement des liens bancaires arabo-africains.
Il met en lumière les initiatives phares de la Banque centrale visant à promouvoir l’intégration économique, la finance durable et l’innovation technologique sur le continent.
Une vision ambitieuse où l’Égypte s’impose comme un catalyseur du développement et de la coopération Sud-Sud.
M. Hassan Abdullah
Gouverneur de la Banque Centrale d’Égypt
La Banque centrale d’Égypte œuvre dans le cadre d’une stratégie nationale intégrée visant à renforcer la coopération avec les pays africains dans tous les domaines, en particulier dans le secteur bancaire. Cette stratégie repose sur plusieurs axes, dont le principal consiste à encourager continuellement les banques égyptiennes à étudier les contextes économiques et d’investissement des pays africains, et à élaborer des plans ambitieux pour étendre leur présence sur les marchés du continent que ce soit à travers l’ouverture de succursales, la création de filiales, de bureaux de représentation, ou la participation dans des entités déjà existantes.
À cet égard, il convient de souligner que de nombreuses banques égyptiennes sont déjà implantées dans plusieurs pays africains tels que le Soudan, le Soudan du Sud, la Libye, le Kenya, Djibouti, l’Afrique du Sud, l’Ouganda et l’Éthiopie. De nouvelles ouvertures de succursales sont également prévues dans d’autres pays au cours de la période à venir. Ces établissements offrent leurs services aux investisseurs et exportateurs, parallèlement au réseau étendu de banques correspondantes égyptiennes couvrant la majorité du continent africain, répondant ainsi efficacement aux besoins de financement et d’investissement de leurs clients opérant entre l’Égypte et le reste de l’Afrique.
2- Quel rôle joue la Banque centrale d’Égypte dans le renforcement de la coopération bancaire arabo-africaine ?
La Banque centrale d’Égypte place le renforcement de la coopération bancaire arabo-africaine au cœur de ses priorités. Cette orientation s’appuie sur les atouts distinctifs dont jouit l’Égypte, ainsi que sur ses relations historiques profondes avec les pays africains. Par ailleurs, l’Égypte dispose d’une infrastructure financière avancée et de capacités techniques lui permettant d’offrir des services bancaires sécurisés et performants.
À cet égard, la Banque centrale d’Égypte a signé de nombreux protocoles d’accord avec plusieurs banques centrales africaines, dans le but de renforcer l’échange d’expertises dans des domaines clés tels que la supervision et le contrôle bancaire, la fintech, les systèmes de paiement, ainsi que la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Ces accords englobent également la coopération en matière de formation et de renforcement des capacités.De plus, la Banque centrale d’Égypte a accueilli des délégations de plusieurs banques centrales africaines pour partager son expérience dans divers domaines, notamment la supervision bancaire, la réglementation prudentielle — en particulier les accords de Bâle —, les paiements, l’inclusion financière, la technologie financière et l’innovation, notamment à travers le lancement d’un laboratoire réglementaire (regulatory sandbox) comme outil d’appui aux start-ups.Par ailleurs, la Banque centrale égyptienne reçoit régulièrement des délégations africaines venues s’inspirer de son expérience dans la création de la Maison d’impression de la monnaie et du Centre du numéraire, développés conformément aux meilleures pratiques internationales.
Dans ce contexte, je tiens à souligner que l’Égypte, à travers l’ensemble de ses institutions, joue un rôle central dans le soutien aux enjeux du développement en Afrique. Elle contribue activement au sein de plusieurs institutions bancaires arabes, islamiques et africaines œuvrant au financement du développement sur le continent, telles que la Banque Arabe pour le Développement Économique en Afrique (BADEA), la Banque Islamique de Développement (IsDB), la Banque Africaine de Développement (BAD) et la Banque Africaine d’Import-Export (AfreximBank).
En parallèle, la Banque centrale d’Égypte œuvre à renforcer l’intégration arabo-africaine à travers sa participation à plusieurs systèmes régionaux de paiement et de règlement, notamment :
• Le système “Buna”, plateforme régionale arabe de compensation et de règlement des paiements interbancaires, qui permet aux banques arabes d’envoyer et de recevoir des transferts financiers dans différentes monnaies arabes via une infrastructure sécurisée et fiable, offrant des solutions innovantes pour les paiements transfrontaliers.
• Le système régional de paiement et de règlement du COMESA (REPSS), auquel l’Égypte a adhéré en 2017. Ce système relie les banques centrales participantes et permet des règlements financiers sûrs et à faible coût, garantis par ces banques, dans des délais très courts.
• Le système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), lancé par Afreximbank en tant qu’initiative stratégique visant à soutenir et à faciliter le commerce intra-africain.
3- Quelles sont les principales priorités de la Banque centrale d’Égypte pour renforcer la coopération bancaire transfrontalière avec les pays africains, notamment dans des domaines tels que la finance numérique et l’harmonisation des cadres réglementaires?
Le continent africain constitue une porte d’entrée riche en opportunités de coopération bancaire et un marché prometteur étroitement lié aux capacités productives de l’Égypte. Cependant, il demeure confronté à plusieurs défis, notamment la nécessité de développer l’infrastructure bancaire, l’hétérogénéité des législations et des cadres réglementaires, ainsi que la faible pénétration des banques traditionnelles.C’est pourquoi la transformation numérique, la coordination des cadres réglementaires et le renforcement des relations de correspondance bancaire représentent des axes prioritaires dans l’action de la Banque centrale d’Égypte visant à approfondir la coopération bancaire avec les pays du continent.
Dans le domaine de la transformation numérique, la Banque centrale d’Égypte a émis des règles encadrant la licence, l’enregistrement, la supervision et le contrôle des banques numériques. Elle œuvre également sur des projets d’avenir, tels que le développement d’une monnaie numérique de banque centrale (MNBC).Ces avancées représentent une étape importante de rapprochement avec le continent africain, où la présence physique des agences bancaires demeure limitée et où la technologie financière (fintech) s’impose de plus en plus comme un levier essentiel pour élargir l’accès aux services bancaires.
Sur le plan de la coordination des cadres réglementaires, la Banque centrale d’Égypte fonde sa coopération avec les banques centrales africaines sur une base commune reposant sur le respect des normes et des directives de supervision internationales.Dans ce cadre, la Banque centrale d’Égypte préside le Groupe de travail sur la mise en œuvre des Accords de Bâle au sein de l’Association des Banques Centrales Africaines (ABCA). Ce groupe dispense des formations aux banques centrales africaines et a élaboré un plan d’action comprenant l’organisation de plusieurs ateliers virtuels au cours des dernières années. D’ici la fin de l’année, la Banque centrale d’Égypte accueillera une session de formation regroupant 40 participants africains, axée sur les évolutions les plus récentes et émergentes en matière de réglementation bancaire.
Je suis également heureux d’annoncer le lancement officiel de la plateforme numérique du Groupe de travail sur le site de l’Association, prévu pour septembre 2025, afin de faciliter le dialogue et la concertation autour de toutes les questions liées aux Accords de Bâle.
Par ailleurs, la Banque centrale d’Égypte assure également la présidence du Groupe de travail du Comité africain de stabilité financière, dont elle a accueilli la première réunion en Égypte. Ce comité vise à consolider la résilience du secteur financier, tant bancaire que non bancaire, ainsi que des marchés financiers africains, tout en suivant la mise en œuvre des cadres de politiques macroprudentielles par les banques centrales. La Banque centrale d’Égypte assume en outre les fonctions de secrétariat de ce comité.
4- En octobre 2019, la Banque centrale d’Égypte a créé un département de la coopération africaine, sur directives présidentielles, afin de renforcer les relations avec les banques centrales et institutions africaines.Comment ce département a-t-il contribué à accroître la présence économique de l’Égypte en Afrique et quelles sont ses principales initiatives pour promouvoir la coopération bancaire régionale et l’échange d’expertises ?
Conformément aux directives de Son Excellence le Président de la République, visant à créer des départements spécialisés dans les affaires africaines au sein des institutions de l’État afin de renforcer le rôle de l’Égypte dans l’intégration économique du continent, la Banque centrale d’Égypte a mis en place un département de la coopération africaine.
En peu de temps, le département est parvenu à établir des canaux de communication stratégiques avec les banques centrales et les institutions africaines, afin de soutenir, explorer et affiner les initiatives à l’échelle du secteur bancaire africain. Il a également entrepris la publication d’études et de rapports analytiques variés pour combler le déficit d’informations sur le continent, stimuler les échanges commerciaux et les flux d’investissement, ouvrir de nouveaux horizons pour les marchés égyptiens en Afrique, et identifier des opportunités de coopération et d’investissement dans les pays africains.
L’une des premières observations du département a été la faible part du commerce intra-africain par rapport aux autres blocs régionaux, en raison notamment du manque de devises étrangères et du coût élevé des transferts. Pour y remédier, la Banque centrale d’Égypte a adhéré au système de paiement et de règlement du COMESA (REPSS) et organisé des ateliers de sensibilisation à destination des exportateurs et des chambres de commerce égyptiennes pour promouvoir son utilisation.Elle a également rejoint le système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS) lancé par Afreximbank, contribuant ainsi à renforcer les échanges commerciaux entre les pays africains participants.
Afin de surmonter les défis auxquels font face les exportateurs égyptiens sur le continent africain, notamment ceux liés à la hausse des risques politiques et commerciaux, la Banque centrale d’Égypte, par le biais de son département de la coopération africaine et en collaboration avec la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), a mené une étude de faisabilité économique en vue de la création d’une Agence égyptienne de garantie des risques de crédit à l’exportation et à l’investissement.Cette initiative vise à ouvrir de nouveaux marchés africains aux produits égyptiens, stimuler les échanges commerciaux et encourager les exportateurs et investisseurs égyptiens à tirer parti du potentiel du marché africain.La mise en place de cette agence, en tant qu’entité indépendante et solide, marque une étape importante vers la promotion des exportations égyptiennes, en particulier à destination des pays africains.
Le lancement officiel de ses activités est prévu dans un avenir proche, si Dieu le veut.
Parallèlement aux efforts de recherche du département visant à combler le déficit d’informations pour les exportateurs et investisseurs sur le continent africain, celui-ci a également contribué à soutenir l’initiative de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) relative au lancement de la plateforme MANSA.Cette plateforme fournit des données complètes sur les banques, les institutions non financières, les entreprises ainsi que les petites et moyennes entreprises de l’ensemble des pays africains.Une convention de partenariat (MoU) a été signée avec Afreximbank, aboutissant à la formation d’un grand nombre de cadres issus des banques centrales et commerciales de 20 pays africains, sur l’utilisation et l’exploitation des services de cette plateforme.Le département a également assuré la promotion nationale de MANSA, ce qui a permis à 23 banques égyptiennes et 192 entreprises égyptiennes d’y adhérer.
Dans le cadre du soutien aux efforts d’intégration à l’échelle continentale, le Département de la coopération africaine participe activement à la révision et à la mise à jour des programmes de coopération monétaire au sein du COMESA et de l’Association des Banques Centrales Africaines (ABCA), dans l’objectif d’atteindre, à terme, une plus grande convergence économique en Afrique.Il prend également part aux réunions des comités techniques de l’Union africaine (UA-STC) et de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA/UNECA), afin de garantir la cohérence des initiatives de la Banque centrale d’Égypte avec les priorités politiques et économiques nationales.Constatant l’absence d’un mécanisme continental dédié au suivi des questions de stabilité financière et bancaire, le département a pris l’initiative, en coopération avec le Département de la stabilité macroprudentielle, de créer le Comité africain de stabilité financière (AFSC), placé sous l’égide de l’ABCA et rassemblant 41 banques centrales représentant les pays du continent.Sur le plan national, le département participe activement aux travaux du Comité permanent pour le suivi des relations égypto-africaines, en coordination avec les ministères concernés et le secteur privé, afin de soutenir les projets d’investissement et de commerce conjoints, renforçant ainsi le rôle de l’Égypte en tant que passerelle du partenariat arabo-africain.
Enfin, à travers sa présence continue dans les forums africains, le département a pu identifier les besoins en renforcement des capacités des cadres bancaires africains. En réponse, il a organisé, en collaboration avec l’Institut bancaire égyptien et les différents départements de la Banque centrale, des ateliers et programmes de formation en partenariat avec l’Institut monétaire du COMESA, couvrant divers domaines liés aux activités des banques centrales.
Le département accueille également des délégations africaines venues s’inspirer de l’expérience égyptienne dans plusieurs volets de la gestion et de la régulation bancaires.
5- Dans le cadre des efforts de l’Égypte pour renforcer la coopération bancaire régionale, la Banque centrale d’Égypte a récemment adhéré au Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS).Quel rôle ce système peut-il jouer dans la facilitation des échanges financiers en Afrique, et quelles opportunités offre-t-il aux banques égyptiennes et arabes ?
Il ne fait aucun doute que le Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS) constitue une étape stratégique vers la création d’un marché financier et commercial africain unifié. Ce système permet d’effectuer des paiements transfrontaliers directement et en devises locales entre les pays membres, de manière rapide, sécurisée et sans passer par des centres de règlement extérieurs au continent. Cela contribue à réduire considérablement les coûts de transaction et à ramener les délais de règlement de plusieurs jours à quelques secondes seulement, renforçant ainsi l’efficacité et la compétitivité du commerce intra-africain.
À cet égard, je tiens à souligner que l’adhésion de la Banque centrale d’Égypte à ce système traduit l’engagement ferme de l’Égypte à soutenir les efforts du continent en faveur de l’intégration économique. Cette initiative offre aux banques égyptiennes de nouvelles perspectives d’expansion dans les transactions régionales et renforce leurs liens avec leurs homologues africains.De plus, cette plateforme demeure ouverte aux banques arabes, qu’elles soient déjà actives sur le marché égyptien ou intéressées par le continent africain, afin de tirer parti de ses avantages. Elle constitue enfin un levier essentiel pour la mise en œuvre effective de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
6- Selon vous, comment les banques arabes opérant en Afrique peuvent-elles contribuer plus efficacement au développement économique inclusif et à la promotion de l’inclusion financière sur le continent ?
Les banques arabes disposent d’une occasion unique d’écrire une nouvelle histoire de réussite en Afrique, fondée non seulement sur la recherche du profit, mais aussi sur leur rôle en tant que véritables partenaires du développement.Plusieurs pays arabes bénéficient déjà de points d’ancrage logistiques sur le continent africain, qui pourraient être élargis pour devenir des pôles bancaires régionaux, contribuant ainsi à améliorer les services financiers et à stimuler l’adaptation des cadres réglementaires africains.Certaines pays arabes ont d’ailleurs commencé à tirer parti du potentiel du continent pour répondre à leurs propres besoins de développement, ce qui met en évidence la nécessité d’étendre les services bancaires spécialisés.Par ailleurs, les pays arabes peuvent capitaliser sur les investissements dans les infrastructures, notamment dans les secteurs de l’énergie et de la reconstruction dans plusieurs pays africains des domaines à forte intensité de main-d’œuvre favorisant ainsi un développement économique inclusif et mutuellement bénéfique.
Les banques arabes opérant en Afrique peuvent également jouer un rôle de premier plan dans la promotion de l’inclusion financière fondée sur la technologie, en lançant leurs propres initiatives dans ce domaine à travers les pays du continent. Elles pourraient ainsi tirer parti des caractéristiques démographiques de l’Afrique, une région où la demande en services financiers reste considérable, leur offrant à la fois un rendement économique attractif et une position stratégique de confiance et de partenariat durable fondée sur le respect mutuel et les bénéfices partagés.
Dans ce cadre, la Banque centrale d’Égypte, en coopération avec le Conseil national de la femme, a entrepris la numérisation des groupes d’épargne et de prêt destinés aux femmes, une initiative que la Banque s’attache à partager avec les pays africains, sachant que ces groupes fonctionnent encore, dans plusieurs d’entre eux, sous forme manuelle et non automatisée.
Plus largement, la Banque centrale d’Égypte partage son expérience en matière d’inclusion financière avec les autres banques centrales africaines, à travers sa participation à l’Alliance mondiale pour l’inclusion financière (AFI), qui regroupe exclusivement des pays en développement.
7- Comment la Banque centrale d’Égypte valorise-t-elle la position de l’Égypte comme pont entre le monde arabe et l’Afrique subsaharienne afin de renforcer les partenariats régionaux et promouvoir l’innovation et la résilience économique sur le continent ?
L’Égypte contribue activement à de nombreuses institutions financières arabo-africaines majeures, en participant à leurs activités, à leurs orientations stratégiques et à leurs décisions en faveur du développement du continent.Parmi les exemples les plus marquants figure la Banque Arabe pour le Développement Économique en Afrique (BADEA), dont l’un des sièges régionaux est établi au Caire. Cette institution est l’un des principaux acteurs du financement des projets d’infrastructure en Afrique subsaharienne.
L’Égypte compte également parmi les plus grands actionnaires de la Banque Islamique de Développement (IsDB), qui œuvre à réduire les risques d’insécurité alimentaire dans les régions d’Afrique subsaharienne et d’Afrique de l’Ouest.
L’Égypte est également un acteur majeur au sein des grandes banques africaines auxquelles participent plusieurs pays arabes. Parmi celles-ci figurent la Banque Africaine d’Import-Export (Afreximbank), l’une des principales institutions de financement du commerce sur le continent, ainsi que la Banque Africaine de Développement (BAD), qui soutient l’ensemble des pays africains dans le financement de grands projets de développement, aux côtés d’autres institutions financières africaines de premier plan.
Les banques égyptiennes contribuent également directement aux investissements destinés au développement durable dans de nombreux pays africains.Parmi les exemples les plus marquants figurent les solutions de financement qu’elles ont apportées pour améliorer l’accès à l’électricité sur le continent, notamment à travers des projets mis en œuvre par des entreprises égyptiennes.
Ces initiatives ont permis d’améliorer l’environnement des affaires dans plusieurs de ces pays et d’accroître leur attractivité pour les investissements étrangers.
Compte tenu de sa position géostratégique unique, à la croisée du monde arabe et du continent africain, l’Égypte dispose d’un avantage comparatif majeur lui permettant d’assumer à l’avenir un rôle de leader dans les efforts d’intégration arabo-africaine.Parmi les perspectives prometteuses figure notamment la possibilité d’interconnecter le système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS) avec le système arabe de compensation et de règlement des paiements (BUNA), ouvrant ainsi la voie à une plus grande fluidité des transactions financières entre les deux régions.L’initiative récemment lancée pour faciliter les transferts des travailleurs égyptiens dans plusieurs pays arabes illustre d’ailleurs le potentiel d’applications réciproques similaires entre les États arabes et africains, susceptibles de réduire le coût élevé des transferts de fonds et de renforcer la résilience économique des bénéficiaires.Ces opportunités sont renforcées par la vaste présence bancaire égyptienne sur le continent et par la solidité de son infrastructure financière et technologique, qui positionnent l’Égypte comme un hub stratégique pour les flux financiers entre le monde arabe et l’Afrique.
Enfin, et non des moindres, la position stratégique de l’Égypte lui permet également de servir de pont pour la création d’alliances d’investissement arabo-africaines dans divers domaines tels que les énergies renouvelables, la santé et l’agriculture, tout en soutenant des initiatives majeures telles que les échanges dette-contre-investissement dans les secteurs de la santé et du climat.
8- Quelles opportunités et quels défis voyez-vous pour la coopération financière Arabo-Aricaine, et comment les banques centrales peuvent-elles favoriser un environnement propice à l’investissement durable ?
Les pays arabes cherchent à investir leurs excédents financiers afin de diversifier leurs économies, d’atteindre l’autosuffisance et de renforcer leur sécurité alimentaire.Parallèlement, le continent africain offre un potentiel considérable d’opportunités d’investissement dans des secteurs tels que les énergies renouvelables, l’agriculture, les infrastructures, la logistique et la transition verte. C’est dans cette optique que les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont investi plus de 100 milliards de dollars au cours de la dernière décennie dans des projets de reconstruction, d’énergie et d’agriculture à travers le continent, notamment via leurs fonds souverains et institutions financières, telles que la Banque Arabe pour le Développement Économique en Afrique (BADEA) et le Groupe de la Banque Islamique de Développement (IsDB).
Les initiatives régionales et continentales, telles que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf / AfCFTA), le Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), les forums arabo-africains ainsi que l’Agenda 2063 de l’Union africaine, constituent des plates-formes stratégiques essentielles sur lesquelles il est possible de construire une coopération arabo-africaine renforcée, en ouvrant de nouvelles voies de partenariat financier et d’investissement.
Cependant, la coopération arabo-africaine se heurte encore à plusieurs défis majeurs. Le plus important demeure l’absence d’une stratégie arabe unifiée vis-à-vis du continent africain. À cela s’ajoutent des risques macroéconomiques tels que la volatilité des taux de change, le niveau élevé de l’endettement, l’absence ou la faiblesse des notations de crédit dans certains pays, la diversité des cadres réglementaires et le manque de normes communes pour l’investissement durable.De plus, la pénurie de données fiables et le manque de transparence représentent des obstacles majeurs, limitant la capacité des investisseurs à évaluer avec précision les opportunités et les risques liés aux marchés africains.
S’ajoutent à ces défis les risques liés à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, ainsi que les menaces croissantes en matière de cybersécurité, dans un contexte marqué par l’expansion rapide de l’intelligence artificielle.
Les défis climatiques auxquels fait face l’Afrique tels que la sécheresse, les inondations et la désertification accroissent également les risques des investissements à long terme et appellent à la mise en place de mécanismes de financement plus flexibles et innovants.
Dans ce contexte, les banques centrales ont un rôle central à jouer pour favoriser un environnement plus propice à l’investissement et au financement durable, notamment à travers la mise en place de normes communes en matière de finance durable, le renforcement de la coordination en matière de supervision et le partage d’expériences et de bonnes pratiques dans ce domaine.
Par ailleurs, il est essentiel de promouvoir des instruments de financement innovants, tels que les obligations vertes, le financement mixte (blended finance), les accords d’échange dette-contre-investissement dans les domaines de la santé et du climat, ainsi que la création de fonds de garantie des risques et de véhicules à usage spécial (SPVs). L’activation des instruments dérivés pour la couverture des risques, le renforcement des capacités institutionnelles des banques commerciales dans la gestion des risques climatiques, la gouvernance environnementale et sociale, ainsi que l’investissement dans la qualité des données et les normes de bonne gouvernance, sont également des priorités clés.
Sur un autre plan, il convient d’encourager l’intégration des systèmes de paiement régionaux arabes et leur interconnexion avec les systèmes africains, afin de faciliter les flux commerciaux et d’investissement.La Banque centrale d’Égypte a déjà entrepris des mesures concrètes dans cette direction, notamment à travers l’organisation de programmes de formation et d’échanges d’expériences portant sur les cadres réglementaires, la supervision et la stabilité financière, ainsi que la signature de plusieurs protocoles d’accord avec des banques centrales africaines pour renforcer la coopération conjointe.
